Le Sanctuaire d’Emona d’Alexandra Koszelyk

D’Alexandra Koszelyk j’avais lu A crier dans les ruines, son premier roman Aux forges du Vulcain, qui nous parlait de l’Ukraine, de Pripiat, de Tchernobyl et puis d’amour, d’enfance et de ruines. Le Sanctuaire d’Emona, dédié aux jeunes adultes et grands adolescents, n’est pas sans rappeler ce premier roman mais il s’en éloigne aussi sensiblement par son caractère magique et fantastique.

Résumé éditeur

Séléné n’a gardé de son passé d’enfant adoptée que son prénom et une mystérieuse marque en forme de croissant de lune au creux du poignet.
Irina prétend lire dans les étoiles, consulte sans cesse son tarot divinatoire et fabrique des santons magiques dans des écorces de bois.
L’une et l’autre n’ont rien en commun, mais lorsqu’elles se retrouvent coincées en Slovénie dans une étrange maison dissimulée au fond d’un parc planté d’arbres centenaires, elles comprennent que leur rencontre n’est pas liée au hasard.
Des forces invisibles sont à l’œuvre, qui les poussent au seuil d’une découverte extraordinaire. De celles qui changent la face du monde.

Mon avis

Il y a une certaine lenteur, tout le long du roman, qui en freinera plus d’un.e alors je préfère vous en avertir. C’est un roman mystérieux, rempli d’épreuves, d’énigmes, de secrets et de machinations, pour autant vous aurez à de nombreuses reprises l’impression de ne pas avancer, de stagner. Il faut dire que le départ précipité de Séléné pour l’Australie, brutalement arrêté par un malheureux concours de circonstances, aurait pu nous faire croire à un récit de tous les diables, alors même que l’autrice s’attarde beaucoup sur les états d’âme de ses héroïnes.

Séléné est orpheline. Depuis toujours, elle a l’impression d’être en décalage. En décalage par rapport à ces parents trop lisses, se morfondant dans un canapé, en décalage par rapport à son frère venant pourtant du même orphelinat et puis par rapport aux autres. Seuls ses amis virtuels, ses réseaux sociaux et son téléphone semblent être à même de la réconforter. La bonne lumière, la bonne pose, le bon mot clé, voilà ce qui la motive. Parce qu’en dehors de ça, ses cauchemars étranges se font de plus en plus pressents, les valises sous ses yeux s’allongent et ses carnets de croquis s’emplissent de créatures chimériques. Lassée par un quotidien qui lui déplaît, elle lance la bombe un jour à table : cet été elle veut aller en Australie faire de la cueillette. Tollé général, seule Daria, la copine de sa soeur semble favorable à cette idée …et c’est grâce à elle qu’elle finira par se concrétiser.

Irina, elle, se retrouve mêlée à toute cette histoire par la providence ou la circonstance. Mais elle savait déjà qu’elle entreprendrait ce voyage, ses cartes le lui avaient dit, tout comme elles lui ont révélé ce qui les attendaient : des embranchements, des mystères, des dangers imminents. Croyant dur comme fer au pouvoir des plantes, des énergies et du cosmos, elle sculpte de petits santons pour se protéger et provoquer sa chance ; son téléphone, lui, est une antiquité.

Diamétralement opposée, les deux jeunes filles vont pourtant devoir su’nir pour déjouer les mystères et deviner qui seront leurs véritables alliés… En effet, leur trajet brutalement arrêté en Slovénie les oblige à côtoyer deux étrangers : Karl, grand, fort, surprenant, terrifiant aussi d’une certaine façon et Marina, secrète, cachottière, toujours derrière les fourneaux ou son jardin quand elle ne cache pas des choses à sa cave. Petit à petit Séléné commence à s’en méfier.

Poussées par Marina, elle commence à explorer autour d’elles, luttant contre leurs peurs et leurs angoisses pour se faufiler dans des grottes et trouver des objets aussi étranges que familiers. Plusieurs fois le croissant de lune de Séléné, caché au creux de son poignet, réapparaîtra au grès de leurs explorations. Est-ce là qu’elle pourra trouver le secret de ses origines ? Quelqu’un pourra t-il lui expliquer pourquoi sa mère l’a abandonnée et soulager ainsi la douleur de son existence ? Et puis les deux jeunes filles pourront-elles s’allier pour défier leurs ennemis aussi incongrus qu’effrayants ?

Bien que le roman soit lent je ne me suis pas ennuyée une seconde tant le récit est truffé d’indice, de secrets, de contes et de cauchemars. De plus l’écriture d’Alexandra, légère, fluide, parfois poétique a ce quelque chose d’étrange et d’énigmatique qui donne envie de rester, de replonger dans le livre aussitôt qu’on s’en est éloigné ne serait-ce que pour comprendre. Si j’ai parfois été légèrement perdue et eu du mal à identifier qui parlait dans les dialogues de Séléna ou d’Irina, j’ai très vite raccroché les wagons sans que cela ne me dérange réellement dans ma lecture. Les apparitions cauchemardesques ou surprenantes sont vraiment réalistes, et je salue l’évocation de l’esotérisme sans que cela ne soit ni une science infuse ni une demie vérité. Le roman est également truffé d’allusions à des contes connus ou des légendes oubliées comme Hansel & Gretel, la déesse Hell, ou encore le dieu Cernunnos et ses centaures ; mais aussi de questionnements et de réflexions sur l’écologie, l’environnement, ce que fait subir le monde à sa planète et à eux-mêmes.

En résumé

Le Sanctuaire d’Emona est un premier tome qui n’a pas la prétention d’être ce qu’il n’est pas. Lent, envoûtant, entre réalisme et esotérisme, contemporain et magie, il se fonde de l’un à l’autre pour délivrer son propre message de paix, de renouveau et de tolérance. A travers ses héroïnes, aussi différentes que le soleil et la lune, l’autrice permet également à son lectorat de s’identifier à qui iel veut : celle qui cherche la vérité sur elle-même, celle qui se tient au bord des étoiles. Un récit truffé de contes, de mythologies, et d’histoires peu racontées qui offre une nouvelle dimension à notre imaginaire collectif, faite de Nature, de dieu cerf, de tilleul, de champignons et de dragons.

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