Les Autodafeurs intégrale de Marine Carteron

Les Autodafeurs c’est une série de trois volumes publiés aux éditions du Rouergue Jeunesse dans leur si délicieuse collection Epik. Elle est écrite par Marine Carteron, la maestro de Dix, la réécriture des Dix petits nègres d’Agatha Christie dont vous pouvez retrouver la chronique ici. J’avoue que je ne m’attendais pas à dévorer les quelques 1050 pages aussi rapidement, envisageant de devoir le reposer à de nombreuses reprises, plutôt que d’enchaîner les pages en suivant le soleil (oui oui je me déplaçais pour suivre le soleil dans mon salon : canapé, fauteuil, sol, canapé bis..). J’ai adoré ! Voilà, il n’y a pas d’autres mots. Mais pourquoi ?

Résumé éditeur

« Je m’appelle Auguste Mars, j’ai 14 ans et je suis un dangereux délinquant. Enfin, ça c’est ce qu’on l’air penser la police, le juge pour mineur et la quasi-totalité des habitants de la ville. Évidement, je suis totalement innocent des charges de “violences aggravées, vol, effraction et incendie criminel“ qui pèsent contre moi mais pour le prouver, il faudrait que je révèle au monde l’existence de la Confrérie et du complot mené par les Autodafeurs et j’ai juré sur ma vie de garder le secret. Du coup, soit je trahis ma parole et je dévoile un secret vieux de vingt-cinq siècles (pas cool), soit je me tais et je passe pour un dangereux délinquant (pas cool non plus). Mais bon, pour que vous compreniez mieux comment j’en suis arrivé là, il faut que je reprenne depuis le début, c’est-à-dire, là où tout a commencé. »

P.-S. : Ce que mon frère a oublié de vous dire c’est qu’il n’en serait jamais arrivé là si il m’avait écoutée; donc en plus d’être un garçon, c’est aussi un idiot.
Césarine Mars

Mon avis

Non seulement la couverture est à tombée et rentre parfaitement dans la sous catégorie « Les supplices de la Belladone » du Pumpkin Autumn Challenge, avec tout ce noir, mais l’objet livre est extrêmement solide. Parce que lire 1050 pages sans même que le dos ait la moindre petite marque…il faut le faire ! Le mérite en revient à la mise en page aérée et à l’encollage parfaitement maîtrisé.

1050 pages c’est long et je ne sais même pas par où commencer, dois-je parler des personnages, génialissimes, topissimes et tous les trucs en -ssime ? Ou bien de l’intrigue qui t’emporte comme dans un petit tourbillon en pleine mer ? Ou bien de toutes les références historiques, politiques, sociétales, des autodafés à la liberté d’expression en passant par l’obscurantisme et le totalitarisme ? Je ne sais pas, je ne sais plus, le mieux encore est sans doute de commencer par le début.

 » Si papa était un grille-pain , on dirait qu’il est cassé , mais comme c’est un humain , on dit qu’il est mort . »

Voilà par quoi on commence : une mort. Tragique, bouleversante, perturbante. Celle d’un père, d’un mari et d’un fils. Toute une vie de secrets, de conflits, de mensonges emportés, comme ça, du jour au lendemain. On commence donc par la colère, la tristesse, la rage, le déni de la perte. L’ironie aussi, comme un bouclier. Et puis une décision, toute aussi brutale et immédiate : on déménage à la Commanderie. La Commanderie c’est un endroit de vacances, des chambres plein les niveaux, des lieux chargés d’histoires, une bibliothèque gigantesque, du bois, de la pierres, des forêts. Un lieu où enfin la vérité éclatera au grand jour. Un lieu où sont entraînés Césarine, 7 ans, et Auguste, 14 ans.

Césarine c’est l’artiste de la famille. Artiste ça sonne quand même vachement mieux qu’autiste, ça sonne tellement bien que c’est seulement en entendant ce mot que Césarine s’est mise à parler. Petit génie en puissance, aussi calculatrice qu’innocente, on oscille avec elle entre les préceptes de Sun Tzu, les prises d’arts martiaux, et les sourires de Sara, lumineux, gigantesques, atteinte de trisomie 21. Sept ans ? Instinctivement c’est un non, mais quand on comprend tout plus vite – trop vite – ne peut on pas paraître plus ? Quitte parfois à avoir l’impression que le monde ne tourne vraiment pas rond ? Quitte à ne rien comprendre au second degrés, aux expressions et aux sentiments ? Peut être. En tout cas Césarine est certainement mon personnage favoris, j’ai ri, mais tellement ri à ses côtés à mesure qu’elle assène ses quatre vérités à tout ceux qui l’entoure. Elle m’a beaucoup touchée aussi, à sa façon, lorsqu’elle tente d’apprendre à sourire comme Sara, lorsqu’elle pose la main sur la poitrine de sa mère pour l’entendre respirer. Et puis elle est effrayante aussi. Effrayante de justesse et d’efficacité, sans comprendre les limites entre le bien et le mal. Sans comprendre qu’on ne peut pas tuer un homme et seulement se préoccuper de son chemisier (avouez tout de même des taches de sang c’est quand même chiant non ?).

On aurait dit un poisson-lune avec des cheveux bruns et une barrette rouge. Marie est arrivée juste à ce moment là et m’a dit que Sara n’était pas une artiste, mais qu’elle était atteinte de «trisomie 21 » et que c’était « une anomalie génétique congénitale» parce qu’elle avait « un chromosome surnuméraire », mais que si sa trisomie la rendait, comme moi, différente des autres, cela ne l’empêchait pas de faire plein de choses. C’était un peu compliqué comme explication, alors j’ai regardé dans le dictionnaire. Surnuméraire, ça veut dire « en plus ».
J’ai donc pensé que Sara avait de la chance car elle avait quelque chose « en plus » des gens « normaux ». Même que j’ai tout de suite vu ce qu’elle avait de plus que moi : (…) Sara sait lire, écrire et compter, mais surtout… elle sait sourire.

Auguste c’est l’ado de quatorze ans que l’on a tous été. Préoccupé par son apparence, l’image qu’il renvoie aux autres, ce qu’il voit dans le miroir, sa dernière coupe de cheveux. Celui sur qui tout va retomber d’un seul coup sans qu’il n’ait le temps de dire ouf. Celui qui n’est pas prêt et ne le sera jamais tout à fait, mais est-on jamais prêt, à quatorze ans, pour avoir le sort du monde sur les épaules ? Et en cela ça en fait un personnage terriblement réaliste dans tout son égocentrisme, son égoïsme, son idiotie. Parce c’est qu’un gosse qui a envie de bien faire et fait des conneries, inévitablement, mais à qui on ne peut pas retirer le fait qu’il se donne du mal. Un gosse en pleine crise d’ado et qui découvre que son père le forme depuis son enfance à devenir son « héritier », un « gardien ».

Dans la vie, il y a des moments où on se berce d’illusions et il faut avouer que je suis coutumier du genre.

Et on en vient -enfin- à la partie la plus intéressante du roman – mais qui sans ses personnages ne tiendrait pas – le scénario. Le SCÉNARIO ! Oui je crie parce que bon sang qu’est ce que c’était bien, bien amené, bien ficelé, bourré de petits clins d’œils, de références, de choses sur lesquelles rebondir, discuter, débattre, et puis jouissif aussi pour ses scènes de combat, l’humour, et des passages truculents comme ça faisait longtemps que je n’en avais pas lus ! Alors on part du postulat que la Confrérie lutte pour la liberté d’expression, ou la liberté d’être -tout simplement- depuis la nuit des temps, depuis Alexandre Le Grand voire avant, en passant par les Templiers et tous les grands de ce monde. La Confrérie lutte contre Les Autodafeurs, des méchants, politiques, hommes d’affaires, tyrans, tous ceux pour qui la liberté d’expression, d’écrire, d’échanger, est une abomination, une nuisance. Ça c’est ce que découvre Auguste en écoutant aux portes (d’ailleurs il découvrira beaucoup de choses en écoutant aux portes, ressort scénaristique éculé ou bien tout simplement une connaissance approfondie du comportement des ados ? mmh ?). Après il découvrira que son père, son grand père et toute sa famille depuis plusieurs générations, font partie de cette confrérie. Que lui aussi, et qu’il lui revient à son tour de protéger les livres du monde entier.

La fin des livres signerait la fin de l’humanité.

Les livres, vous l’aurez compris, ont donc une place capitale et centrale dans ce récit. Il permet d’appréhender le livre non seulement comme un objet, non seulement comme une histoire, mais aussi comme faisant partie d’un tout qui serait la connaissance et la liberté de pouvoir y plonger et en ressortir grandi. Les Autodafeurs est donc un superbe éloge du livre, des mots, et de la liberté d’expression, de s’informer. Alors, comment, en tant que lecteur, ou lectrice, ne pas tomber amoureu.x.se de tout cela ? S’ensuit bien entendu une enquête à la Benjamin Gates, d’énigmes en énigmes, des fuites, des combats, des rencontres (beaucoup de rencontres, du délicieux Néné, à la combattante Inès, en passant par les grossiers frères Montagues, ou Isabelle), des enseignements de tous les coins, ceux qui viennent du cœur, des autres, de soi, et une aventure palpitante digne…d’un roman ? J’ai peut être un peu moins aimé le côté SF du dernier volume, et encore même ça c’était surprenant, venant rajouter la symbolique du temps à toute cette histoire de livres, parce que oui, ces derniers sont aussi les symboles d’une époque, d’un temps ancien ou à venir.

En résumé

Si vous aimez les livres, vous aimerez Les Autodafeurs. Au delà de la simple intrigue, entre espionnage, secrets, et enquête, il y a toute la symbolique du livre autour duquel gravite la liberté d’expression, de connaissance, d’information qui se retrouve ici mise en lumière. Et au milieu de tout cela, des personnages inspirés et inspirants, des situations rocambolesques à mourir de rire, des sauts dans le temps, et surtout : Césarine. Un personnage coup de coeur, une artiste-autiste adorable et effrayante, qui a, peut-être, un peu trop lu L’Art de la guerre de Sun Tzu et qui cherche des sourires sur des visages poisson lune.

3 commentaires sur “Les Autodafeurs intégrale de Marine Carteron

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