Je me lance dans ma PAL printanière avec Dix de Marine Carteron, un doado noir aux éditions du rouergue, un service de presse que j’ai déjà depuis quelques jours et qu’il me tardait d’ouvrir.
Mon résumé
Ils sont dix. Dix à atteindre l’île Sareck au large des côtes bretonnes pour une émission de télé-réalité dans un manoir, un Escape Game grandeur nature dont ils ne savent rien. Seules instructions : trouvez les clés pour espérer partir. On retrouve 7 adolescents et trois adultes censés les encadrer : Carie, la jolie petite blonde pimbêche, Charles, l’enfant-star, Simon, le geek, Eliot, le génie, Tyron, l’encyclopédie littéraire, sa soeur jumelle, Deborah, Margaux, la championne de natation ; Hélène la mère de Charles et professeure de lettres classiques, Viviane ancienne infirmière et gouvernante du manoir, André Pitard ancien commissaire chargé de surveiller l’ensemble de ce petit monde.
Chacun a une chambre rappelant des contes ou des légendes de Perrault à l’Antiquité. Chacun a quelque chose à se reprocher. Et le jeu a déjà commencé.
Mon avis
Que de frissons ! Cela fait tellement longtemps que je n’ai pas lu Les dix petits nègres d’Agatha Christie que je ne saurais vous faire une comparaison entre ces deux textes et d’ailleurs je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire de la faire. Dix est un splendide hommage à l’oeuvre de cette autrice remarquable, reprenant la mise en scène du roman mais en changeant bien sûr les raisons et l’époque.
En quelques pages le décor est planté, les pièces bien mises en place sur l’échiquier, et quelques indices sont déjà disséminés un peu partout me renvoyant à la chasse palpitante que je menais à travers celles des Dix petits nègres. Un manoir sombre et gothique, une île surnommée l’île des pendus où une trentaine d’hommes ont disparu et des naufrageurs se sont retrouvés la corde au cou, où un plongeoir étonnant mène à une mort incertaine, et où une tempête se prépare. Cinq molosses patrouillent pour y rechercher des intrus. Il n’y a aucun moyen de s’échapper et dès le départ les dés sont truqués. Des caméras truffent les couloirs et les chambres, tous les mouvements sont épiés, et une Voix, invisible, accusatrice, semble approcher chacun des candidats en lice.
« Au loin, une masse sombre émergeait de la brume. Un amas de falaises abruptes sur lesquelles les vagues s’écrasaient dans des gerbes mousseuses »
Petit à petit leur nombre diminue, les morts atroces se succèdent, et l’agonie des personnages devient jubilatoire. On comprend, on assimile, on touche du doigt la vérité mais sans être réellement sûrs. Jusqu’à la fin on attendra que le fantôme, le dieu vengeur, la personne menant son jihad, se dévoile, révèle son jeu. Mais non. Marine Carteron joue le jeu d’Agatha jusqu’au bout et on apprend la vérité qu’à la toute fin.
Sous ses airs de livre morbide et sombre, Dix cache aussi de funestes vérités que de nombreuses séries et romans ont déjà mis en lumière : le viol, la sexualité, la jalousie, la rumeur, la beauté, l’envie, les secrets, la mort, le suicide… Sans en avoir l’air, Marine Carteron délivre un message puissant à travers cette vengeance expéditive. Car tous sont coupables, et tous vont payer, d’une manière ou d’une autre.
« Moi, lui, Elle. Nous sommes tous des monstres, même toi, Tyron…des monstres. Et nous allons mourir, pour expier. Tous mourir. Moi, lui, Elle. Même toi, Tyron. Mourir. Des monstres. »
Les points de vue se succèdent les uns après les autres, de plus en plus vite, dans une urgence crescendo qui monte au fur et à mesure qu’ils se font éliminés dans des souffrances atroces. L’écriture est précise et sans superflu, parfois peut-être un peu lisse mais qui donne toute sa place à ses personnages et son décor. Pas besoin d’en rajouter avec une ambiance trop édulcorée, ses 300 pages se lisent à une vitesse folle et notre cœur bat à 100 à l’heure !
En résumé
Dix est un page turner jouissif, où, en hommage aux Dix petits nègres d’Agatha Christie, Marine Carteron mêle la peur, la mort et le goût des énigmes. Un huit clos passionnant, une ambiance exquise, une enquête trépidante, où les affres de la nature humaine ont un goût de culpabilité. Préparez-vous, une fois commencé, impossible de s’arrêter ! Une petite perle éditée par les éditions du Rouergue dans une collection que je commence à grandement apprécier…