Bamba de Anne Loyer

Après le délicieux La Fille sur le toit chez Gulf Stream Editeur, qui avait été un vrai coup de cœur, j’ai eu grand plaisir à découvrir Bamba d’autant plus qu’il m’a été envoyé par Anne Loyer, l’autrice de ces deux romans. Deux romans courts mais d’une infinie justesse sur deux adolescentes que rien n’épargne.

Résumé éditeur

Bamba, c’est le nom d’une chanson du XXe siècle, mais c’est surtout celui d’une adolescente du XXIe, en colère contre la terre entière, à l’exception de ses deux meilleurs amis : Mozart, un jeune black surdoué des platines, et la Danse, sa passion et sa raison de vivre.

Sur son chemin, elle croise Noah, un hasard beau comme un astre, qui lui laisse des regrets et un cadeau bien encombrant : Kylian, 3 kilos 650 et 52 centimètres à la naissance.

Fuyant son père et sa grand-mère qui refusent de comprendre ses choix, lâchant le lycée avant le bac, elle quitte la ville pour la campagne, prête à assumer sa nouvelle vie de mère-célibataire et trouve refuge chez le vieux Paul, un veuf taiseux.

Parviendra t-elle à faire taire ses démons et à reprendre le contrôle d’une vie en roue libre ? Pourra t-elle surmonter l’absence d’une mère partie trop tôt et enterrer la hache de guerre avec sa famille ?

Mon avis

Les sujets qu’Anne Loyer aborde dans ses romans sont tous sauf anodins. Le premier s’intéressait au chagrin d’amour d’une adolescente tombée amoureuse d’un homme plus mûr, et celui-ci d’une mère célibataire de dix sept ans. Deux sujets plus ou moins tabous, dont on ne veut rien voir, dont on fuit les larmes et les rondeurs, avec un genre de pensée tout à fait égoïste « elle n’avait qu’à faire attention ». Avouons-le l’être humain est tellement prompt à juger, à observer d’un œil critique ce qui l’entoure et, sans avoir ne serait-ce qu’écouter l’accusé, à rendre un verdict. Et oui c’est ce que j’ai fait. Bien sûr ! D’emblée, quand j’ai lu cette adolescente un peu paumée, danser jusqu’à pas d’heure, grogner pour nourrir son enfant et appris quelques pages plus loin qu’il ne vient « que » d’une aventure sans lendemain ma première pensée fut : pourquoi n’a t-elle pas avorté ? Comme si c’était un choix facile. Comme si c’était le choix évident. Comme s’il n’y avait que ce choix là. Je me suis fustigée automatiquement mais la pensée était là, bien présente et pesante avec son élan de culpabilité qui va avec.

Alors, à tous ceux et toutes celles qui veulent grandir un peu, qui veulent se sentir plus grand.e et plus généreu.x.se, lisez ce roman. Rencontrez Bamba, cette nana qui ne vit que pour danser. Cette ado déjà cynique qui essuie les remarques acerbes de sa grand mère et les silences moralisateurs de son père. Bamba qui a perdu la seule lumière de son existence, sa mère, fantasque, enthousiaste, à l’âge de dix ans sans plus rien avoir comme repère à part Mozart, son meilleur ami qui reste bien malgré lui dans la friendzone.

« Jusqu’au jour, l’affreux jour, où le fil avait été si mince qu’il s’était cassé. Clac. Définitivement. Laissant Bamba désemparée dans la pénombre d’une chambre vide. Et c’est comme si, à 10 ans à peine, on avait éteint le soleil ».

Bamba c’est un peu une adolescente ordinaire avec ses soucis ordinaires : trouver de la lumière dans un monde mouvant et changeant, échapper au quotidien morne et ennuyeux d’une vie de lycéenne, trouver enfin une musique sur laquelle danser et remuer des hanches. Et cette musique ce fut Kylian. Un enfant comme échappatoire. C’est un choix que je n’aurais pas fait. Un choix un peu égoïste mais qui la sauve, qui lui donne un objectif, un phare dans la nuit. On peut la juger, lui jeter des regards sceptiques, au bout du compte vous ne verrez plus que le courage, la force et l’indépendance. Exit les études, exit le bac, exit cette existence qui n’a aucun sens si ce n’est celui de mettre un pied devant l’autre en espérant ne pas trébucher.

« Là, assise sur le parquet, même si sa mère ne pouvait pas lui prendre la main, ne pouvait pas offrir un rire dont elle avait le secret à son nouveau trésor, Bamba ressentait sa lumière. Ça l’éclairait de l’intérieur, bougie aux parfums d’enfance, et berçait celui ou celle qui naîtrait à son tour, qui se battrait pour vivre, qui aimerait la vie, qui la percuterait de son rire, comme l’avait fait sa grand-mère Alice avant lui. Héritage fabuleux d’une folie merveilleuse. »

Non vraiment, cette Bamba là vous ne pouvez que l’admirer. L’admirer se battre contre elle même, l’admirer se passionner pour cet enfant au prix d’une autre passion qui l’a accompagnée toute sa vie, l’admirer grogner et rire à la fois, pleurer et s’enthousiasmer à cause de son petit bébé, son petit ange. L’amour maternel. Un truc bizarre qui survient d’un coup d’un seul, qui te fait oublier les couches, les cris, les larmes, les sons qui martèlent le crâne et qui te donnent envie de hurler. Oui l’amour est aussi un combat. Aimer quelqu’un c’est s’abandonner un peu, surtout quand il s’agit d’un enfant. Et cet abandon ne manque pas de courage ni de bravoure. C’est un sentiment extraordinaire auquel Anne Loyer rend toute sa splendeur. Pourtant Bamba n’est pas exempte de défaut. Comme toute adolescente de dix-sept ans qui s’est émancipée, elle veut tout faire toute seule et a en même temps besoin d’aide. Elle est têtue, colérique et un peu écervelée. Protectrice aussi. Jalouse un peu.

« Je le serre un peu plus fort. Je veux qu’il comprenne que c’est moi sa mère, moi celle qui l’aime, moi celle qui compte. Et pas elle. C’est idiot, mais je peux pas m’empêcher de le penser. »

J’ai beaucoup aimé sa relation avec le vieux Paul qui est davantage un père pour elle que ne le fut jamais le sien. Qui l’encourage, l’envoie balader, s’émerveille, lui donne les clés de la réussite. Qui sous ses airs de veuf taiseux cache un coeur immense. Une chance que d’autres adolescentes n’ont pas, qui se retrouvent seule bien malgré elle, personne pour comprendre leur choix. Un personnage bon et doux qu’on aimerait beaucoup rencontrer, j’ai le même dans ma vie et je l’appelle grand père.

Il y a Mozart aussi. Mozart qui la suit, qui l’aime mais qui la juge aussi, comme moi, comme beaucoup d’autres, comme vous aussi peut-être. Qui lui veut du bien et qui pense très fort qu’un bébé à cet âge c’est vraiment pas pour elle. Mais qui sait aussi que tout peut se briser là, entre eux, et perdre le peu qu’elle lui donne. C’est un personnage que l’on voit peu mais qui a toute son importance parce qu’il ressemble sans doute un peu au lecteur qui lit ces pages.

Une multiplicité de points de vue donc. Un point de vue interne, avec le « je » en majesté, un point de vue externe avec le « elle » souvent, qui observe les réactions de cette mère adolescente, et parfois un peu Mozart. Ça m’a un peu perturbée. Je crois que j’aurais préféré qu’il n’y ait que du « je » ou que du « elle » mais je comprends aussi l’intérêt de les avoir mis tous les deux ensemble bien qu’ils se concentrent sur le même personnage. Ils ne disent pas la même chose. Et bien sûr toujours l’écriture d’Anne Loyer, qui m’avait déjà séduite. Courte, vive, pleine d’une poésie sonnante.

Alors oui je ne vous cacherai pas que cette lecture fut étrange pour moi qui n’est jamais eu d’enfant. Moi qui ai paniqué comme une dingue lorsque j’ai eu un retard de règle à me demander ce qu’il faudrait que je fasse « au cas où » si « le truc se passe » (fausse alerte). Mais il m’a fait un bien fou, comme s’il me permettait de comprendre un peu, de juger moins. Souvent, je le dis et je le répéterai toujours, les romans nous permettent de vivre des vies que nous n’avons pas encore vécues, de ressentir des émotions que nous n’avons jamais ressenties. C’est ce qu’est Bamba pour moi. Une porte ouverte vers des femmes que j’ai jugées malgré moi. Et en cela, ce roman est une petite pépite.

En résumé

Bamba est un roman qui ouvre les yeux sur une réalité : celle d’être une adolescente, mère célibataire, dans un monde obtus. Un roman qui m’a fait grandir et comprendre un choix que je méprisais en partie. Un roman servi par une plume vive et poétique et qui donne envie d’assumer ses choix envers et contre tout. Une petite pépite à mettre entre toutes les mains.

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