Sortie 32.B de Antonio Da Silva

Antonio Da Silva n’a absolument rien à voir avec le joueur de foot brésilien. C’est un auteur né dans le nord du Portugal qui a décidé de passer des beaux jours en France et par la même de nous régaler d’histoires farfelues. Et il commence fort bien sa petite entrée dans la collection epik des éditions du Rouergue…et donc dans ma bibliothèque.

Résumé éditeur

Il y a d’abord eu les oiseaux figés dans le ciel. Les cadavres de vaches au milieu de la route. Les adultes devenus fous furieux dans l’aire de repos. Les flics partout, les sorties fermées et lourdement gardées. Et toujours l’autoroute, interminable. Au moindre arrêt, au moindre ralentissement : un nouveau danger, une nouvelle bizarrerie. Pour Lucille et son équipe de basket féminine, pour Aaron et ses frères, il n’y a qu’un seul espoir : atteindre la sortie 32.b et rouler. Rouler pour survivre.

Mon avis

Le roman de Antonio Da Silva n’a absolument rien à envier à ceux des auteurs plus chevronnés. C’est une petite bombe, puissante, destructrice, qui m’a légèrement retourné le cerveau. Pourtant entre la page 1 et la page 230, tout se passe plutôt comme sur des roulettes, enfin…des roues quoi.

Parce que tout commence dans une camaro. Celle de Marc, l’aîné, Aaron, le cadet, Nathan, le benjamin et Pablo le pote – meilleur ami – frère. Tous les quatre sont en France pour y enterrer leur mère, morte de maladie. Un voyage pas facile qu’ils entreprennent tous ensemble, soudés, unis par les souvenirs, leur tristesse. Rien de pire ne pouvait arriver. Bon, c’était sans compter sur les oiseaux figés en l’air qui entreprennent de mourir à grands renforts de bang et de bec, et de sang, sur les carrosserie tout autour d’eux ; sans compter sur les sorties d’autoroute entièrement bouchées par des gendarmes qui selon Nathan n’ont personne derrière leur visière.

Parce que tout commence dans un minibus Toyota où les membres d’une équipe de basket, Les Paniers Percés, doivent disputer un match important. Emma, Louise, Léonine, Lucille, Zelda, Zoé, Alice, Anaïs, Adèle Erika, Djamila, Lune (les filles) Sylvie et Coach. Des personnages très différents les uns des autres d’où résultent quelques tensions, mais rien de bien méchant dans un groupe de filles. Bon, c’était sans compter sur les cadavres bovins étalés en plein milieu du tunnel de Fourvière ; sans compter sur le comportement étrange des gendarmes aux abords des sorties.

Oui parce que soyez certain.e.s, que tout va partir en c*****e. Vraiment. Du genre American Nightmare mélangé à Duel de Spielberg…Et ça n’est que le début. Il y a des morts au ciseau, des petites lapidations involontaires, des coups de fourchette bien placés, des désarticulations, des brisures d’os, des chutes malencontreuses, des suicides, des morts, des morts, des morts. Et au milieu de tout ça des gens qui n’ont absolument rien demandé, obligés de s’unir face à… à quoi au juste ? au monde ?

« Aaron assiste alors à une alliance qu’il n’aurait jamais crue envisageable. Des jeunes en tenue de scout, et résidant sans doute dans de riches quartiers résidentiels, s’unissent à des ados en jogging issus des cités. La lutte des classes réinventée, ou plutôt la lutte des âges ».

Étrangement ce roman m’a énormément fait penser à Vorace de Guillaume Guéraud publié chez le même éditeur. Des choses inexpliquées, dont on aura finalement que peu d’explications ou alors amenant encore plus de questions, se produisent et un petit groupe doit se battre pour se barrer, tenter d’échapper à ce qui les poursuit. Mais là où Vorace  donnait l’impression que la nature reprenait ses droits sur l’humanité pour ne laisser que la paix et l’harmonie, on assiste plutôt à un chaos généralisé, à un massacre en règle de toute espèce vivante. Quoique le terme « en règle » soit un peu fort de café. Parce qu’il n’y en a pas. Ce sont d’abord des guerres de fourmis, puis les adultes contre les enfants ce qui donne lieu à des scènes surréalistes, puis les poissons.

« Il fronce le nez. Ça empeste la vase, ça pue la tripe. Il aperçoit la silhouette d’un requin qui rôde au fond. Si ces eaux ont été bleues un jour, elles sont à présent vermeilles. Ça bouillonne, ça tressaute, ça déchiquette, ça mastique, ça se traque, ça fuit, ça essaie de se cacher, ça gagne, ça perd, ça flotte le ventre en l’air. C’est une incroyable guerre d’écailles. Un Verdun, un Waterloo marins. »

Plus rien ne fonctionne, toutes les sorties sont bloquées et s’arrêter équivaut à un arrêt de mort. Immédiat. Et potentiellement brutal. On approche de la page 230, et franchement on y comprend rien, seule une certitude subsiste : on va tous mourir. Il y a une forme à la fois de justice…et d’injustice. Dans ce monde où tout crève, tout le monde a exactement la même place. Homme. Insecte. Animaux. Personne n’échappe à l’implacable roue du destin. C’est d’ailleurs à ce moment que l’on comprend le décompte qui commence en millions puis en milliers, puis en centaines. Sur l’autoroute tout est en train de mourir.

« – Et chaque mort, même celle du plus petit insecte, est un chiffre en moins.
Les filles se dévisagent, paumée.
– C’est un génocide envers tout ce qui est vivant, assure Lucile […]
– A votre avis, quelles machines seraient capables d’effectuer ce genre de recensement ?
– En admettant qu’elles existent, moi, ce qui me dérange, dit Aaron, c’est qu’elles accordent la même valeur à un homme qu’à une fourmi. »

Bon. Cette première partie est franchement hallucinante, exaltante, on bondit de scène en scène, de station en station, les actions sont détonantes, les personnages passionnants. C’est haletant et très puissant, entre boucherie et course poursuite, thriller et fantastique, on ne comprend plus trop où on en est mais on avance avec résolution, en priant pour qu’il en reste tout de même quelques uns à la fin.

Mais arrive la page 235. Les cartes sont rebattues. Toute cette première partie existante et inexistante à la fois, comme nos personnages, nous nous réveillons totalement désorientés. Qu’est ce qui tient du rêve ? De la réalité ? Quel est ce monde de sable ? Qui tire les ficelles ? J’aurais pu avoir mal à la tête tellement les questions se bousculaient au portillon. Avec un grosse, en lettres capitales : qu’est ce que l’auteur est allé nous inventer ? Alors commencent les explications, à grands renforts de multidimension, d’altérité, de créature, de divinité, de peur, de solitude, de survivants. On comprend que se cache ici peut-être la clé de tout le roman sans que l’on arrive à la saisir vraiment.

Et puis vient la fin. Tellement ouverte qu’on enrage un peu. De ne pas pouvoir tout comprendre. De se dire qu’une seconde lecture va peut-être bien être nécessaire. L’avoir relu et sourire aux « fourmis astronautes » (vous comprendrez quand vous le lirez), et se dire que oui, finalement, ce roman est vraiment extraordinaire, complètement hors du commun et du temps. Je crois bien que je suis fasse à un de ces OLNI (objet littéraire non identifié-able) dont les éditions du Rouergue ont le secret.

Une fois que vous l’aurez lu, pitié, revenez me voir, j’ai vraiment besoin d’en parler à quelqu’un ^^

En résumé

Sortie 32B est un roman qui, j’en suis sûre, n’a pas encore fini de m’étonner. Passionnant, haletant, explosif, il se lit d’une traite, une grande lancée à 120km/h sur l’autoroute de l’horreur, du gore, de la science fiction et du thriller. On aime ou on aime pas mais on ne peut pas manquer de saluer le tour de force d’avoir écrit un roman aussi surprenant et addictif dès les premières pages, jusqu’aux dernières.

Bon en résumé du résumé : ce roman, avouons le, c’était complètement what the fuck, mais franchement, j’ai bien kiffé.
Oui moi aussi ça m’étonne quand je parle comme ça.

Un commentaire sur “Sortie 32.B de Antonio Da Silva

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