Les ombres d’Esver de Katia Lanero Zamora

J’ai encore une fois bénéficié de l’opération service de presse « retour vers le futur » des éditions ActuSF, et j’avais terriblement envie de le lire pour le Pumpkin Autumn Challenge avec son ambiance gothique. Merci !

Résumé éditeur

Amaryllis a 16 ans et n’a jamais connu que la maison où elle est née, le domaine d’Esver, reculé, magnifique, mystérieux. Dans ce manoir qui tombe en ruines où elle vit seule avec sa mère austère, elle étudie la botanique avec l’espoir d’en faire son métier… Le jour où elles reçoivent une lettre du père annonçant la vente du domaine et le mariage forcé d’Amaryllis à un de ses associés, tout bascule. Pour échapper à ce destin, malgré les ombres qui hantent ses nuits, la jeune fille répondra-t-elle à l’aventure fantastique qui se cache derrière les portes fermées d’Esver ?

Mon avis

Je ne m’attendais pas à ça. Et c’est déjà un excellent point pour ce roman ! Dès le départ, l’autrice belge nous plonge dans un univers gothique aux traits soignés et délicats. Un vieux manoir dont une partie est laissée à l’abandon, la table d’un dîner d’il y a dix ans laissée telle quelle, une serre aux multiples plantes, une fleur que l’on pousse à l’éternité… Autant d’éléments qui construisent un décor somptueux aux accents poétiques. Tout semble pourtant être figé dans le temps. Les tableaux, les ailes du manoir fermées, l’extérieur où personne ne va jamais, rien ne semble vouloir perturber cette monotonie mélancolique dans laquelle sont plongées Amaryllis et sa mère, Gersande. Rien, excepté cette lettre qu’Amaryllis trouve par hasard et qui semble signer son destin. La jeune femme se rebelle, tente de trouver une échappatoire à ce mariage dont elle ne veut pas, s’oppose à cette mère glaciale qui la pousse vers une voie qu’elle n’a pas choisie, pour finalement plonger derrière les portes d’Esver, dans ce paysage qu’elle n’a fait qu’observer toutes ces années. Dans cet autre monde, derrière cette frontière érigée par on ne sait qui, des créatures se cachent… A commencer par Rouage, un être mi chair mi métal, et Féroce, mi homme mi taureau. Mais il y a aussi ses propres ténèbres, celles qui la font frissonner le soir, juste avant que les cauchemars ne l’emportent et ne la laissent glacée au réveil, elles aussi prennent vie et semblent vouloir la détruire.

« Votre maison est construite sur des terres aux pouvoirs ancestraux, quand les histoires se racontaient au coin du feu et prenaient vie dans les tenebres. Esver est le monde des rêves, le monde imaginaire, le monde des créatures irréelles, de celles que l’on aimerait contempler comme celles sur lesquelles on ne voudrait jamais tomber.
– J’ignorais que ce monde existait.
– C’est un univers dans votre univers.
– Et il y a beaucoup d’univers, dans mon univers ?
– Une infinité, pour qui sait regarder. »

Bien que cela ne soit jamais clairement évoqué avant la moitié du roman, on comprend assez vite que cet autre monde est peut-être bien plus profond qu’il n’y paraît. Malgré ses allures de contes de fées, ses cartes aux trésors et ses noms enfantins (Le Pic Tourmenté, La Bouche Dégueulante), Esver cache bien des secrets. Et ses derniers sont plus terribles encore. J’ai beaucoup aimé comment l’autrice a abordé la psychologie de ses personnages en passant par le rêve et la folie plutôt qu’en y allant de front, et cela confère à ce roman une impression hantée très particulière.

Les personnages d’Amaryllis et de Gersande sont vraiment extrêmement travaillés. La mère étant de prime abord terriblement injuste et froide, il m’était difficile de la comprendre. Mais après avoir eu la révélation il en est autrement et on apprend à aimer ce personnage qui a tout fait pour mettre sa fille à l’abri quand bien même cette dernière ne le comprenne pas. J’ai un peu moins aimé le côté plus manichéen des autres personnages qui sont réellement les « méchants » de l’histoire : sa grand mère, son oncle en passant par son père, odieux vautours autour d’un malheureux bout de viande.

« Les histoires vous donnent un espoir vain, des rêves stupides et le sentiment que vous devriez être spéciale…. Personne n’est spécial, Amaryllis. Vous n’avez rien d’autre à accomplir que de survivre un jour de plus. La vérité, c’est qu’il n’y a aucune destinée et que nous ne sommes que le fruit des conséquences de nos choix passés. »

Si le début du roman peut être assez rébarbatif et lent, j’ai trouvé que l’on y rentrait plutôt facilement, directement happé par l’urgence de la situation et les cauchemars terribles d’Amaryllis. J’ai adoré la manière dont l’autrice a eu de nous laisser dans un flou, cette brume opaque autour d’Esver : folie ou réalité ? conte ou passé ? Cette ambiguïté ne sera jamais résolue, même jusqu’à la toute fin, laissant planer un doute constant sur le roman et sur la santé mentale de ses protagonistes.

En résumé

Les ombres d’Esver est un roman surprenant aux teintes gothiques et mélancoliques très prononcées. L’autrice nous entraîne dans un tourbillon d’émotions et de folie où la réalité et le conte se mêlent d’une bien étrange façon. Avec une maîtrise tout à fait remarquable, le roman nous entraîne dans un univers fantasmagorique qui n’est pas sans rappeler les univers de Lewis Carroll, où chaque détail renferme bien plus de secrets qu’il n’y paraît.

2 commentaires sur “Les ombres d’Esver de Katia Lanero Zamora

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