Einstein, le sexe et moi d’Olivier Liron

Encore un 68 premières fois qui m’attendait patiemment. Je dois retarder tout le monde avec mon rythme de lecture beaucoup plus lent ces temps-ci. Et à l’heure où je vous écris cette chronique j’ai une migraine carabinée, je vais résister à l’envie de fermer cet écran pour vous et puis pour ce roman dont j’ai bien envie de vous parler.

Mon résumé

Olivier Liron est autiste Asperger. C’est une caractéristique. Ce n’est pas une fin en soi. Mais ça aurait pu. Nous voici en 2012 sur le plateau de Questions pour un champion avec Olivier, Jean-Michel, Caroline, Marie -Thérèse, Michel et Julien Lepers. Les questions affluent, se multiplient. On perd ou on gagne. Mais au fond il n’y a qu’un seul désir : écraser son adversaire. Se baladant dans cette course contre la montre, Olivier nous entraîne vers une autre histoire : la sienne.

Mon avis

Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis. Du coup je suis contente de pas être dans cette catégorie. Dans mon article sur les 68 premières fois, j’avais classé les romans de la sélection en trois catégorie : ceux qui me tentent vraiment beaucoup, ceux qui me tentent moyennement, et ceux qui ne me disent rien. Devinez dans laquelle de ces catégories était classé Einstein, le sexe et moi ? Je vous le mets dans le mille : ceux qui ne me disent rien. Je ne sais plus très bien pourquoi. Pour le titre sans doute. J’aime les poétiques de titre « Le Nord du Monde », « Fais de moi la colère », « Faune et flore du dedans » et celui-ci ne m’inspirait qu’un vague haussement d’épaule désabusé. Alors merci aux 68 premières fois de me sortir de mes zones de confort, de mon esthétique désaccordée, de mes préjugés malvenus.

« Mon cœur cognait si fort que j’avais l’impression d’avoir un second cœur entre les yeux. J’avais une veine qui palpitait entre mes sourcils, le sang affluait à mes tempes – mon cerveau saignait à grande vitesse »

A grande vitesse. C’est à ce rythme que j’ai dévoré ce roman, à ce rythme que j’avais l’impression de courir, courir après le temps du buzzer, courir devant les coups qui pleuvaient, courir pour échapper à des souvenirs qui ne m’appartenaient même pas. Question pour un champion ici, ce n’est plus qu’un simple jeu, c’est un prétexte à l’introspection, c’est une question de vie ou de mort, une question de survie, de guerre et d’écrasement. Une question de madeleine trempée dans du coca. A travers les pérégrinations d’un candidat pour un jeu télévisé c’est la mémoire d’Olivier Liron que nous explorons. Une seule et même personne mais deux histoires qui se croisent, se touchent, surgissent en parallèle. Là une question, là un souvenir. Là une erreur, là un coup.

Il y a des choses que je refuse de comprendre dans ce roman. Des choses que je ne veux pas affronter. A t-il dit ce que j’ai lu ? A t-il vécu tout ce qu’il dit ? Une grande partie de moi sait que oui. L’autre voudrait que ce ne soit pas le cas. Je me dis que c’est compliqué aussi de juger un texte comme ça. Comme une auto-biographie quelque part, un peu floue, un peu courte mais la version longue doit tenir de l’horreur et il y a des images que l’on ne veut pas voir derrière nos yeux, la nuit, quand on les ferme.

« C’est marrant, je parle du corps, mais j’ai l’impression que les mots ont encore plus de pouvoir que les coups, que les mots sont les coups qui ne partent jamais, les plus indélébiles, les plus violents pour le corps, justement. Je pense que le mot que j’ai entendu le plus jusqu’à mes quatorze ans est « gogol ». J’ai dû entendre dix mille fois les gens m’appeler gogol. A l’école, et surtout au collège, les enfants différents souffrent le martyre. C’est déjà le pouvoir hideux et haineux de la norme. »

Einstein, le sexe et moi c’est le genre de roman qui vous file un peu le cafard, qui vous touche aussi (ou alors vous êtes insensible, je ne sais pas, ça arrive). Un livre qui vous ouvre les yeux sur quelque chose qu’on ne remarque pas. Sur des gens qu’on ne voit plus. Sur des enfants qu’on ne veut pas comprendre. Un livre qui peut vous rappeler des souvenirs aussi, des gens tout autour de vous, des choses qu’on vous force à faire. Mais là, tout au bout, c’est aussi un livre qui donne l’espoir.

Ce n’est pas un roman qui se plaint. C’est un roman qui raconte. D’ailleurs peut-être même est-ce une rédemption, je ne sais pas, j’extrapole. Quelque chose pour finir de panser les plaies sans en chasser les souvenirs. Pour se rendre plus fort vous voyez ? Quelque part, je suis toujours un peu restée en dehors. Derrière la vitre. A observer. On ne peut pas s’identifier. Alors je suis restée plantée là, à dévorer les pages, à tenter de comprendre, à me mordre les lèvres de rage, à soupirer de soulagement, à ressentir des trucs qui ne sont pas de moi. A lire l’envie, la colère, les poings, la haine, à lire les oreilles accrochées aux grillages, à lire l’amour, la passion, le sexe aussi. A lire l’inaccessible.

L’écriture est belle, sans prétention. Pas trop de chichis mais quelques phrases qui percutent par leur simplicité, qui heurtent par leur portée. Des mots que j’ai trouvé magnifiques. Et cette déclaration en plein milieu, éclatante. Même dans sa violence. Même dans sa vulgarité. Les mots étaient là, enivrants, rapides, projetés comme quelque chose qu’on balance pour ne pas regretter. Il y a sans doute un peu de ça : ne rien regretter.

Et puis à la fin. Bien sûr. J’ai frappé dans mes mains comme une gamine.

En résumé

Einstein, le sexe et moi est une belle surprise où auto-biographie se mêle à l’enchaînement pervers des questions. Servi par une écriture bluffante de sincérité, on rit, on pleure, et on crie avec l’auteur. Une magnifique découverte qui me donne terriblement envie de lire Danse d’atomes d’or, son premier roman.

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