Aquamarine d’Andreas Eschbach

Pour une fois que le #challengesfff ne me fait pas qu’acheter des romans, je suis bien contente d’avoir sorti Aquamarine de ma PAL, alors qu’il y dormait depuis…2017 ? 2018 ? Le seul autre roman que j’ai lu de l’auteur était Des milliards de tapis de cheveux qui m’avait bien emballée. Celui-ci s’adresse étonnamment à un public young adult.

Résumé éditeur

2151, côte nord de l’Australie. La mer joue un rôle prépondérant dans la vie des hommes, qui exploitent les fonds océaniques. Méfie-toi de l’eau ! Evite la mer ! Ne va jamais nager ! Telles sont les mises en garde que Saha Leeds, 16 ans, a entendues durant toute son enfance, car une étrange blessure héritée du temps où elle était bébé lui interdit toute activité sportive aquatique. Elevée, depuis son plus jeune âge, par sa tante sourde et muette après la mort de sa mère, elle ignore tout de son père. A Seahaven, zone régie par les règles néo-traditionalistes, sa particularité physique fait d’elle une marginale, car tout le monde nage, plonge ou fait de la voile, et quiconque ne peut participer à ces activités s’exclut d’entrée de jeu de la vie sociale. Saha a presque fini par accepter cette existence solitaire lorsque, poussée dans un bassin par des camarades de classe, elle manque se noyer. L’examen médical qui s’ensuit et l’amitié qu’elle noue avec le condisciple qui l’a sauvée après plus de quinze minutes d’immersion la conduisent à s’interroger sur sa nature. Bravant l’interdit, elle se risque en mer ― et fait une découverte incroyable…

Mon avis

Bon, le résumé est suffisamment clair et l’incident des premières lignes suffisamment évocateur pour que nous sachions d’emblée à quoi Saha sera confrontée et sa véritable nature mais je dirais que ce « suspense avorté » n’est pas réellement le plus intéressant dans ce roman.

Nous commençons le récit avec Saha Leeds, 16 ans, confrontée au harcèlement brutal de Carilja, une autre adolescente, fille de l’un des fondateurs de la ville qui ira jusqu’à la pousser dans le bassin pour ne plus voir sa « face de poisson ». Pourtant, Carilja sait très bien que Saha ne sait pas nager. Louve solitaire, celle-ci est privée de natation depuis son plus jeune âge en raison des cinq plaies qui marquent son torse de part et d’autre. L’incident prend encore plus d’ampleur quand Pigrit, qui a tenté de la sauver du bassin lui annonce qu’elle y a passé plus de quinze minutes… S’ensuit alors une quête personnelle et intime de son propre corps et de son passé dont elle a si peu de souvenirs. Qui était son père ? Où sa mère l’a t-elle rencontré ? Lui aurait-on menti toute sa vie, et si oui pourquoi ?

Cette particularité physique s’entremêle avec brio à l’exploration de son adolescence. Parce que Saha se trouve laide : parce qu’elle a des seins minuscules, parce qu’elle a ces plaies qui lui strient la peau, parce qu’elle n’a rien des hanches et des corps de ses camarades. Même si j’ai été un peu hérissée par le traitement donné aux corps des personnages féminins dont on ne parle que des cheveux et de leur poitrine, et qui finissent par s’embellir d’une coupe de cheveux, d’un vêtement bien ajusté et d’une couche de maquillage (mais non ne partez pas) comme dans un épisode de Nouveau look pour une nouvelle vie, je n’en ai pas trop voulu à l’auteur. Déjà parce qu’il n’est pas tout à fait faux de dire qu’un vêtement met mieux en valeur tel ou tel corps, mais aussi parce que ce sont bel et bien des réflexions que je me posais adolescente… J’aurais simplement voulu une nuance, peut-être représentée par un autre personnage.

J’ai aussi beaucoup apprécié que l’auteur mette cette créature mythique que Saha incarne, en regard d’une société futuriste où les transformations génétiques et physiques sont soit admises voire encouragées dans certaines zones, soit complètement proscrites dans les zones néo-traditionnalistes dont Seahaven fait partie. S’ensuit un contexte politique et scientifique particulier qui donne de la tessiture si ce n’est de la densité au récit. Car si, dans un contexte moderne, elle aurait sans aucun doute été disséquée dans un laboratoire, le contexte futuriste l’amène surtout à devoir choisir entre se cacher toute sa vie ou les condamner elle et sa tante au bannissement voire…à la mort. Les extrémistes se cachent partout, après tout. Se pose aussi la question, bien qu’elle n’apparaisse qu’en arrière plan, de la liberté de lire et de faire ce que l’on souhaite, de façon privée, sans que qui que ce soit ne puisse y dire quoi que ce soit. C’est très intelligemment amené dans le récit et interroge la déontologie du livre et des bibliothèques numériques. Il en va de même de la protection des espèces animales, et du changement climatique qui sont évoqués à différentes reprises sans que, là aussi, ce ne soit particulièrement exploité. D’ailleurs j’aurais peut-être apprécié un peu plus de description des récifs coraliens, des animaux qui peuplent encore l’océan voire même la terre, puisque, finalement, le récit se concentrant sur Saha, on a peu de points de comparaison entre ce futur de 2151 par rapport à aujourd’hui.

Pour autant, si le roman se lit d’une traite (je l’ai lu en une soirée) et que l’écriture traduite d’Andreas Eschbach nous entraîne avec brio entre les pages, fluide et accessible, je n’ai pas réellement su m’attacher à Saha. Par contre sa tante, oui ! Sourde-muette, femme de ménage dans les grandes maisons richissimes de Seahaven, elle a élevé avec force et courage sa nièce et je la trouve assez admirable. Je trouve ça toujours intéressant que des personnages parlant la langue des signes interviennent dans le récit, et cela prend aussi tout son sens, bien plus tard, quand elle aura une étrange conversation avec une créature marine. De plus, la relation amicale qu’elle tisse avec Pigrit, un garçon un poil renfermé et qui détient encore des livres du siècle dernier, avait tout pour me plaire. Pas forcée, les emmenant dans des conversations aussi glissantes que l’amour, le sexe, les relations amoureuses, sans jamais que ce ne soit particulièrement gênant : GROS PLUS. Et puis bon, j’ai bien aimé Pigrit, assez insensible mais si terriblement sincère.

C’est cependant vers la fin que le rythme s’accélère sensiblement avec des révélations qui ne m’ont pas forcément entièrement convaincue (notamment des organismes mondiaux secrets et tutti quanti) mais qui permettent à la jeune Saha de trouver sa place dans le monde.

En résumé

Aquamarine est une lecture intéressante et divertissante qui donne à voir une quête personnelle et intime de soi à travers le personnage de Saha. S’il n’est pas exempt de défauts, notamment dans le traitement des personnages féminins, il soulève des questionnements intéressants sur la déontologie scientifique, les limites d’un système, le droit à l’existence et la liberté d’être et de faire. On peut aussi y voir une certaine forme d’inclusivité à travers le personnage de la tante sourde-muette et l’utilisation de la langue des signes au fil du récit. Si les dernières pages m’ont semblée être amenées parfois trop rapidement, la fin, qu’on pourrait dire ouverte permet de clôturer un premier tome sans forcément en attendre davantage. Raison pour laquelle, sans doute, L’Atalante n’a jamais traduit les tomes 2 et 3.

Un commentaire sur “Aquamarine d’Andreas Eschbach

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  1. Je ne connaissais pas et avec une PAL moins importante, je pense que j’aurais tenté pour les différentes réflexions soulevées et le contexte de cette société divisée quant aux transformations génétiques et physiques.

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