Rhapsodie des oubliés de Sofia Aouine

Mon premier 68 de la saison 2019,  mon premier roman de l’automne et un premier roman. Beaucoup de premières fois, comme cette plongée dans ce Paris que je ne connais pas où les rêves se fracassent sur des portes closes, des coins de rue, des souvenirs.

Résumé éditeur

Abad, treize ans, vit dans le quartier de Barbès, la Goutte d’Or, Paris XVIIIe. C’est l’âge des possibles : la sève coule, le coeur est plein de ronces, l’amour et le sexe torturent la tête. Pour arracher ses désirs au destin, Abad devra briser les règles. A la manière d’un Antoine Doinel, qui veut réaliser ses 400 coups à lui.

Rhapsodie des oubliés raconte sans concession le quotidien d’un quartier et l’odyssée de ses habitants. Derrière les clichés, le crack, les putes, la violence, le désir de vie, l’amour et l’enfance ne sont jamais loin.

Mon avis

« Ma rue a la gueule d’une ville bombardée, une gueule de décharge à ciel ouvert, une rue qui ne dort jamais, où les murs ressemblent à des visages qui pleurent. Des murs qui n’ont jamais été blancs et qui semblent hurler sur toi quand tu passes devant. Je suis arrivé dans ce bordel il y a à peine trois ans et j’ai déjà l’impression d’avoir vieilli de dix piges, rien qu’en me posant sur le banc du square Léon. Juste à regarder les gens. Les enfants ont l’air de centenaires. Des yeux de vieux sur des gueules d’anges. »

Rhapsodie des oubliés est un titre qui marque, bouleverse, raconte déjà des choses. Il y a la mélodie et l’abrupt. Le temps et les songes. La nuit et les rêves. Tout cela contenu en trois mots alignés sur fond rouge. Rouge révolte. Rouge rage. Rouge passion. On y suit Abad, 13 ans, obsédé par le sexe et l’amour, quartier Barbès, Goutte d’Or, Paris XVIIIe. Un quartier où je n’ai jamais mis les pieds. Mais la vérité c’est que je ne veux pas voir Paris. J’y devine toujours la tristesse, les larmes, les souvenirs de familles entières enfouies là, les boites à secrets disséminées dans les parcs. Je n’en comprends pas la beauté bancale, le faste des quartiers riches, les échos brutaux des quartiers plus pauvres. Sofia Aouine a percé cette coque tremblante autour de la ville lumière pour m’y faire voir cette polyphonie de sens, de mots, et d’exodes.

« J’ai découvert un monde à part. La république des sans-sommeil, ceux qui ne veulent pas sentir la lumière parce qu’ils ont peur de se voir eux-mêmes. J’en ai rencontré des gens, je pourrais pas tout vous dire, mais il s’en passe des choses la nuit à Barbès. Je crois qu’il y a rien de plus beau qu’une ville qui dort. Je cours, je cours, je cours et quand mon coeur est au bord de mes lèvres, je monte sur le toit de mon immeuble pour sentir l’aube qui s’empare de la nuit. Juste les premières minutes. Là, Paris, où j’étouffe, se laisse enfin voir. Loin des abysses du vice et de la morsure du jour qui brûle. »

Il y a dans le personnage d’Abad un peu des enfants que nous avons été. Cette fougue, cette envie de vivre quoiqu’il en coûte et ne surtout pas ressembler à ceux qui sont brisés, fatigués, s’éloigner coûte que coûte des souvenirs amers. Et puis des enfants que je ne serai jamais, ceux qui ont fui un passé trop lourd, ceux qui ont vu la misère, la guerre, l’exil. Ceux qui ne sont pas chez eux peu importe où ils mettent les pieds. Dans ce quartier Barbès on y croise tout un monde : de l’épicier au vendeur de cracks, des règlements de compte aux putes, des voilées-Batman aux femmes brisées, d’une ouvre dedans à Odette, des africaines, des yougos, des roumains, des arabes, des noirs… Tout un tableau qui se compose et se décompose chaque jour. Tout cela à travers les yeux d’Abad, à travers son langage cru et rafraîchissant, à travers ses néologismes venus dont ne sait où, à travers ses nuits blanches sur le toit du monde à pisser sur les ordures d’en bas. C’est cosmopolite, plein et vivant. Et ça ouvre le cœur et les yeux, infiniment, pour observer ceux qui rasent les murs, celles qui s’enfoncent dans leurs capes d’ombres, ces réalités cruelles et froides qui se teintent pourtant de tendresse, d’amour et de rêves, parfois, quand l’espoir a assez de place pour grandir.

« On est pas si différents, avec la dame d’ouvrir dedans, au fond. C’est l’histoire de ce pays : on a presque tous, d’où que l’on vienne, d’où qu’on parle, peu importe notre Dieu, une histoire de valises à vivre et à raconter. »

En résumé

Un roman sans larmes ni pathos qui conte le quotidien amère-lumière de ce quartier Paris XVIII avec une langue vive, argotique poésie où les oubliés, les rescapés, les invisibles ont toute leur place. Un réalisme clairvoyant entre tendresse et violence avec au fond du ventre, la rage de vivre. Un magnifique premier roman ❤

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