Hazel Wood de Mélissa Albert entre contes de fées et histoires macabres

Comme la plupart des personnes ayant acheté ce roman, j’ai craqué sur la couverture… Comment passer à côté de cette réalisation sublime ? Soft touch, des reflets dorés comme pour vous enchanter et ce noir profond… Très belle réalisation des éditions Milan qui cache une histoire toute aussi sublime. 

Mon résumé

La vie d’Alice Proserpine et de sa mère, Ella, prend un premier tournant lorsque la grand mère, Althéa, écrivaine de renom vivant recluse dans un manoir ignoré de tous, meurt soudainement. Pour la mère d’Alice cela signe la fin de la fuite. Désormais la malchance ne les poursuivra plus. Pourtant après quatre mois d’accalmie relative, tout recommence : n’est-ce pas le rouquin qui l’avait enlevée quand elle était plus jeune qu’Alice aperçoit à la table de son café ? et que signifie ces trois objets qu’il lui a laissés ?

Rattrapée par un Hazel Wood de plus en plus oppressant, il semble bien que les créatures des contes d’Althéa Proserpine aient pris vie dans ce monde et qu’elles lui en veulent. Lancée sur les traces de sa mère retenue prisonnière, Alice n’est pas au bout de ses surprises. Avec l’aide d’Ellery Finch, un « fan » des Contes d’Hinterland, le recueil écrit par sa grand mère, la jeune fille est prête à tout pour retrouver sa mère… y compris contrevenir au dernier ordre d’Ella : « ne t’approche sous aucun prétexte d’Hazel Wood ».

Mon avis

D’un côté ce roman est tout ce à quoi je m’attendais et tout ce à quoi je ne m’attendais pas. Mélissa Albert mélange avec brio le conte de fée moderne et les contes macabres, la vie urbaine et les créatures obscurs si bien que l’on ne sait déjà plus, dès le départ où commence la réalité et où s’arrête les histoires. Et J’A-DO-RE.

« Parfois, je m’effrayais du peu de souvenirs que j’avais. Quand je regardais en arrière, ma vie se résumait à un long flou artistique de pluie sur le pare-brise. Si je tournais les yeux d’un côté, je voyais des gouttes d’eau sur la vitre. Si je les tournais de l’autre, c’était l’autoroute trempée qui s’étendait tout droit. Il ne me restait que les endroits intermédiaires, même pas ceux où nous nous arrêtions. Je n’avais plus que les autoroutes, les chemins de terre, les routiers. Les motels et leurs piscines tiédasses encrassées de feuilles mortes. Un verger où nous nous étions arrêtées sur un coup de tête en allant à Indianapolis, pour ramasser des pommes qui avaient le goût de banane, de bonbons et de fleurs. »

Le personnage d’Alice est extrêmement bien construit. Petite fille toujours sur les routes, le souvenirs de son enfance est erratique, inconstant. Père inconnu au bataillon, mère étrange, grand mère absente, une colère de glace pointe derrière son visage angélique. Elle a un genre de détachement de tout ce qui l’entoure absolument rafraîchissant alors que son attachement pour sa mère est immense. Un personnage ambivalent, comme ce qui la compose et l’a fait grandir. Un personnage à la hauteur de ce qui lui a réservé Mélissa Albert.

Dans cette histoire aux allures de contes modernes se cachent d’autres histoires, celle « d’Alice-trois-fois », celle de « la porte qui n’existait pas ». D’autres deviennent des secrets et mots de passe comme celle de « L’attente d’Ilsa », ou s’incarnent dans la réalité comme « Katherine Doublemort ».

« Il s’effondra sans bruit et la créature se posa lourdement sur sa poitrine. Ses ailes dissimulaient ce qu’elle était en train de faire. Mon regard se posa sur la fille. J’étouffai un cri et serra la main de Finch. Les cheveux noir et blanc de la femme étaient parsemés de reflets rouges. Sa peau pâle prit une teinte pêche, ses lèvres se retroussèrent et sa cicatrice disparut. Mais le pire était l’impression de son visage. Un genre de… d’extase égoïste. L’oiseau se détacha de l’homme, se replia jusqu’à reprendre sa forme de cauchemar miniature et vola vers sa cage. La fille referma la porte et recula dans l’ombre de la haie »

Les histoires s’entremêlent. Celle d’Alice. Celle d’Hazel Wood. Celle des Contes des Hinterlands, cet ouvrage mystérieux écrit par sa grand mère, et qui semble avoir ensorcelé tous ceux l’ayant lu. Les fans pourrais-je encore entendre dire Alice en crachant. Pourtant il en est un de fan qu’elle laisse entrer : Finch. Le seul à savoir qui elle était réellement dans son lycée. Le seul à pouvoir lui prêter main forte maintenant que sa mère a été enlevée par on-ne-sait-qui. Une chose est sûre, qui que ce soit (qui que ça soit) il a laissé une forte odeur, une lettre sur son lit et sait qu’elle est à sa poursuite. Peut-être même que ça veut qu’elle soit à sa poursuite. Quoiqu’il en soit la voilà désormais sur les routes avec pour seul compagnie Finch, un garçon franchement bizarre, qui m’a tout d’abord laissée perplexe.

Oubliez vos clichés du gars fou amoureux de l’héroïne, il n’en est rien. Lui, tout ce qu’il veut, c’est voir Hazel Wood de ses propres yeux. Quitte à en mourir. Quitte à se lancer dans cette quête insensée. Quitte à suivre une folle aux yeux de glace. Si Alice est froide comme l’hiver, Finch brûle d’une passion inassouvie pour les Contes des Hinterlands, les seules histoires à avoir pu le faire sortir de la dépression dans laquelle il s’était installé depuis le suicide de sa mère. Un personnage peut-être trop effacé pour moi et qui aurait mérité plus d’approfondissements s’il n’y avait pas chez Alice cet empressement à revenir sur les terres de son aïeul pour y trouver sa mère. Un manque qui s’explique…d’une certaine façon.

« Une faible lueur vacilla au bord de la route devant nous. C’était la lampe frontale d’un homme affublé d’un cycliste ridicule. Il courait sur place, les doigts sous son menton pour prendre son pouls. C’était si absurde que ça me fit sourire. Mais soudain, une femme à la peau mate en robe couleur neige se matérialisa à ses côtés et posa sa bouche sur la gorge de l’homme. Notre voiture les dépassa à toute allure et la route, le coureur et la femme disparurent dans l’obscurité derrière nous.
– Tu as vu ça ? m’écriais-je.
Finch sursauta et la voiture fit une embardée.
– Quoi ?
– Il y avait un joggeur…une femme…
Qu’avais-je vu exactement ?
– Est-ce qu’il y a des vampires dans l’Hinterland ?
Ses mains se crispèrent sur le volant.
– Pas tout à fait… »

Bon, j’espère que vous êtes bien dans l’ambiance ^^ Parlons-en de l’ambiance, c’est peut-être ce que j’ai préféré dans ce roman. Cette espèce d’atmosphère doucement creepy qui pouvait à tout moment basculer vers l’émerveillement ou vers le macabre. Parce que oui ce roman est un peu effrayant. Ne vous attendez pas à de grosses frayeurs, non, et probablement que vous ne vous retournerez pas dans votre sommeil d’épouvante, soyez rassurés, mais il y a cet aspect gothique, sombre, un peu poisseux et glauque qui vous collera peut-être à la peau. Peut-être…

Si comme Alice, vous passez de l’autre côté du miroir. Je ne peux guère vous parler de cette partie là, ce serait vous spoiler et dans un roman tel que celui-ci ce serait franchement désagréable mais sachez une chose. Si j’ai adoré la première partie, très contemporaine, si j’ai beaucoup aimé la seconde, sur les routes, entre ambiance de road movie d’épouvante (où tu sais indéniablement qu’une créature louche va sortir des broussailles) et découverte de l’autre…la dernière est juste magique ! On y découvre de nombreuses réponses, et encore plus de questions ! On trouve des personnages intéressants, qui vous diront peut-être quelque chose d’ailleurs pour certains, des contes encore plus farfelus, des Histoires contées et des Histoires anciennes, des gens de l’Extérieur, ceux qui restent et ceux qui errent, des mensonges sous couvert de vérité, et des vérités sous couvert de mensonges, bref, tout un monde envoûtant, ensorcelant, où miroitent des centaines de destins…

Quant à l’écriture je ne saurais pas trop vous dire ce que j’ai le plus apprécié : la fluidité ? les descriptions simples mais glauques, complexes mais abordables (oui ce roman est un paradoxe) ? les introspections toujours justes d’Alice ? le macabre empreint d’une certaine forme de poésie gothique ? Je ne saurais vous dire mais Mélissa Albert avait pour moi la voix des conteurs dans les grottes étoilées avec leurs histoires racontées aux coins des feux par nuit noire.

En résumé

A mi-chemin entre Alice aux pays des merveilles, les contes des Frères Grimm et les Contes Macabres d’Edgar Allan Poe, l’autrice nous emmène dans un lieu où les personnages des histoires deviennent réalité…et où il ne fait pas bon de les rencontrer. Grâce à une Alice formidablement esquissée, et à des contes habilement intégrés au roman, Mélissa Albert tisse autour de son lecteur un monde sombre, glauque, macabre imprégné pourtant d’une certaine forme d’espoir et de lumière.

5 commentaires sur “Hazel Wood de Mélissa Albert entre contes de fées et histoires macabres

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  1. Quelle chronique ! Je suis ravie de lire un si bel article sur ce livre car les retours sont très mitigés et je ne sais jamais quoi en penser finalement. Mais avec ton article, c’est l’ambiance que tu décris qui me donne envie de m’y plonger alors pourquoi pas ! Merci à toi en tout cas pour cet article complet.

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    1. J’avais craqué sur la couverture, (j’avoue être un peu superficielle avec les bouquins mais je m’améliore en lisant des contemporains à la couverture quasi inexistante ^^) mais moi aussi les avis mitigés m’avaient fait retarder sa lecture… et puis finalement le #pumpkinautumnchallenge s’y prêtait plutôt bien donc j’ai testé 😀 Il manque quelques petites choses pour un coup de coeur mais pour un premier roman il m’a beaucoup beaucoup plu. Et en relisant certaines critiques j’avoue ne pas toujours les comprendre. Je pense que cela dépend de 1) si l’ambiance te plaît directement 2) si cela répond à tes attentes. Personnellement quand je lis un roman je n’en attends pas grand chose si ce n’est un bon divertissement et quand c’est un choc, un coup de coeur, un roman qui te fait pleurer et qui te touche là c’est magique 😀

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    1. La couverture est top clairement ! Et j’attends le tome 2 pour voir ce qu’ils vont faire 😀 Je l’ai beaucoup beaucoup aimé ❤ Mais comme je le disais à écriture amoureuse, je n'en attendais rien. Et dans un sens je pense que ma chronique vous donne une bonne idée de ce qu'il contient 🙂

      Aimé par 1 personne

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