N.I.H.I.L. Le tourbillon du temps d’Alex Cousseau

Après avoir lu Le fils de l’ombre et de l’oiseau il y a de cela quelques semaines, j’avais grand hâte de me plonger dans cette nouvelle aventure cette fois-ci ancrée dans un paysage imaginaire. La couverture à tomber par terre (dans le même genre que Sirius de Stéphane Servant dans la même collection) m’intriguait et me fascinait… et c’est encore un coup de coeur !

Mon résumé

Le monde de N.I.H.I.L est coupé en quatre points cardinaux : le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Pourtant d’aucun le divise d’une autre façon : les Hautes Terres du Nord, les Îles du Milieu et Le Royaume du Sud. Dans les lointaines contrées du Nord, un roi qui ne se donne pas ce nom élève des abeilles. Au Sud, un tyran qui se donne le nom de roi ordonne à ses sujets d’exterminer les renards roux. Au milieu, un immense tourbillon crache des objets intemporels.

Et dans ce monde, au bord d’une guerre impitoyable, à travers le temps et l’espace, trois destins se croisent et emportent les autres avec eux : celui d’Aanj qui suit les pas d’un vieil homme aveugle et attend sa transformation ; celui d’Askold patientant sur l’île Nue, prisonnier d’une forteresse impénétrable ; et celui de Grethe, chasseuse de foudre, éleveuse de crocodiles, mère d’une Corneille.

Le tourbillon du temps est en marche…reste à savoir qui sera emporté dans son courant.

Mon avis

Le talent de conteur d’Alex Cousseau se précise et se confirme avec ce one shot enchanteur. J’ai tourné chacune de ses pages avec délice, goûté chacun de ses mots comme si c’étaient des sucreries et j’avais la sensation étrange et agréable de me retrouver au coin du feu à écouter un orateur me conter les légendes de N.I.H.I.L. et peut-être même…du Triangle des Bermudes d’il y a 1000 ans, à moins que ce ne soit dans 5000 ?

« C’est une sorte de tourbillon. Un immense tourbillon capable de happer n’importe quelle embarcation. Mais si on reste en retrait, on peut y observer d’étranges phénomènes. Pas ce trou, ce mouvement de toupie, cette spirale d’eau où s’engouffre le vent, il semble y avoir un passage secret. Comme une porte entre deux mondes, ou entre deux temps. Des objets insolites en sortent, projetés violemment. […] Le tourbillon s’est élargi, et une forme oblongue en a jailli. Propulsée à des hauteurs vertigineuses, la chose semblait vivante, mais elle ne l’était pas. Elle est retombée, raide et inanimée, à quelques encablures de notre bateau. Et on a pu la repêcher. C’était un meuble. »

Nous commençons le récit dans une sorte de parenthèse neigeuse et druidique avec le point de vue d’Aanj. Élevée par Andoke, un vieillard aveugle qui semble un peu étrange avec ses secrets et ses réponses énigmatiques, la jeune fille rêve. Trois rêves, nets, précis, qui reviennent plusieurs fois. Elle les écrit un par un dans son cahier, à la lueur de la lune ou d’une bougie, et s’imagine renard, serpent ou épervier. Elle est Celle qui voit l’invisible, qui possède le don de double vue et qui a une autre personne à l’intérieur d’elle même, Magma, cachée dans son cœur et son corps. Lorsqu’elle revient du Lac en ayant vu Jeremias, un garçon qu’elle ne connaît pas, immense, simple, et qu’Andoke lui révèle qu’il s’agit de son frère. Aanj comprend. Comprend qu’elle n’a jamais été vraiment seule. Comprend qu’elle le savait depuis toujours. Comprend qu’elle doit partir, se transformer, prendre son envol.

Le point de vue d’Askold se superpose au sien, s’y entremêle, plus terre à terre, moins poétique. Difficile d’être poétique lorsque l’on se trouve dans une prison il faut dire.

« Moi, Askold, je suis actuellement enfermé pour traîtrise et complicité de meurtre dans un sombre cachot de quatre mètres sur quatre, en compagnie d’un géant qui passe son temps à réciter les tables de multiplication en s’applaudissant tout seul ».

Au fur et à mesure des chapitres nous en apprenons plus sur son chemin, sur les erreurs, les prises de position et les courses poursuites qui l’ont mené ici, précisément, sur l’Île Nue, où sans que personne ne le sache, tous les destins vont se confondre et se percuter pour un final grandiose. A travers lui nous connaissons aussi davantage sur les règles de ce monde, sa civilisation et cette guerre qui s’annonce, qui gronde. Et bien que les Hautes Terres du Nord resteront globalement un mystère paisible et tranquille, j’ai beaucoup apprécié cette excursion au Sud qui se fait presque médiévale et austère.

Bien plus tard apparaît celui de Grethe, la chasseuse de foudre avec à ses côtés Oak la Corneille et son père toujours à la recherche des éclairs. On comprend très vite que son père est un « inventeur » qui se cherche encore. C’est aussi à partir de ce moment là que l’on devine où l’auteur commence petit à petit à nous emmener (vous découvrirez vous même pourquoi !)

« – Et avec cette électricité, dit-il encore, les moteurs tourneront tout seul. La lumière, la chaleur et la vitesse seront en libre service…
Quand il parle ainsi, mon père a des éclairs dans les yeux. A croire que la foudre s’est abattue sur lui. Une tempête couve en permanence sous son crâne cabossé. »

Outre ces trois points de vue déjà chargés d’histoire et de mystère, comme pour Le Fils de l’ombre et de l’oiseau, Alex Cousseau multiplie les destins, les vies et les croisements ainsi j’ai beaucoup apprécié le personnage de Bogdan, le cuisinier du Roi recueillant Askold lorsqu’il était plus jeune, Rosie la jeune fille à trois visages ou encore les Aigles de sang. Mon préféré reste cependant Andoke qui m’a beaucoup fait penser à mon grand père (alors que celui-ci ne chasse guère les cœurs de dragon) par son côté sage et doux.

« Les mots sont des flèches, voilà ce qu’Andoke me dit souvent. Plus j’aurai de flèches, plus je pourrai facilement viser le monde autour de moi. Et quand ma parole fourche, quand mes mots tombent à côté, il dit que je dois être plus précise. Juste et précise. Et quand mes mots sont trop violents, il dit qu’on ne parle pas pour blesser. On parle pour toucher. On vise et on touche. En plein coeur. Sois juste et précise, me répète Andoke.
J’apprends. »

N.I.H.I.L me fait l’effet d’une petite bombe lâchée dans ma bibliothèque. C’est un coup de coeur puissant et onirique qui me donne envie que d’une seule chose : me plonger à nouveau dans la plume d’Alex Cousseau, prolonger son univers dans mon imaginaire et me laisser bercer par les remous du tourbillon du temps.

En résumé

Ce roman, je pourrais vous en parler encore pendant des heures ; vous livrer d’autres passages amusants, touchants, sensibles, tendres, sages ; vous dire mon admiration pour sa maîtrise de la langue, des énigmes et des choses justes ; vous décrire mes émotions à tel ou tel endroit ; vous saouler de phrases et de mots qui ne sont pas les miens ; mais je crois que finalement tout cela ne tient qu’en peu de choses : lisez le.

4 commentaires sur “N.I.H.I.L. Le tourbillon du temps d’Alex Cousseau

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