La guerre des bulles de Kao Yi-Feng

Lorsque j’étais sur le stand de la librairie L’Atalante à Étonnants Voyageurs je me suis fait un devoir de prendre un roman de chaque maison d’édition représentée, et mon choix est tombé sur La Guerre des Bulles de Kao Yi-Feng aux éditions Mirobole. Mon premier roman taïwanais aussi, de quoi agrandir un peu plus ma géographie littéraire.

Résumé des éditions Mirobole

Dans une communauté de montagne coupée du monde, les réserves d’eau se tarissent. Face à des adultes incapables d’affronter ce problème de survie, les enfants comprennent que c’est à eux de le régler. Ils s’emparent d’armes, prennent la maîtrise du territoire et emprisonnent leurs parents. Lorsque ceux-ci protestent sérieusement, le mouvement de résistance lancé par les enfants franchit un pas supplémentaire. Désormais maîtres du territoire, ils tentent d’établir un nouveau modèle de société basé sur l’abolition de toutes les règles anciennes.

Mon avis

La Guerre des Bulles nous emmène dans la lointaine province de Taïwan un nom qui évoque pour moi des monts brumeux, des forêts et des vents furieux. Je n’étais pas si loin que cela puisque le faubourg de Xincheng est régulièrement balayé par les typhons qui traversent la région même si nous finirons par en attendre un pendant les trois quarts du roman. La première réflexion que je me suis faite c’est « comment je vais bien pouvoir leur parler de ce roman ? ».

Ce roman est un petit peu un ovni littéraire, un truc indéfinissable, un machin improbable, où les métaphores aussi légères que poétiques sont de mèche avec le surréalisme et où on ne sait plus très bien où finissent les unes et où commence l’autre. On y croise la route de bulles agressives et d’arbres en plastique, d’ombres mangeuses de vie d’adulte et de spectres bien campés sur leurs pieds, on y voit des adultes qui ne grandissent plus et des branches-serpents, des poissons sifflotteurs et des chiens sauvages.

Dans la forêt devant eux, les feuilles de taros recommencèrent à danser. Ces feuilles vertes aux extrémités sombres parurent entrer en transe, comme si elles balançaient la tête à l’intérieur de tubes invisibles, dessinant des lignes et des orbites singulières, aguichant les mouches vertes qui avaient envahi les fils électriques. Celles-ci n’avaient de cesse de décoller et d’atterrir à l’emplacement où avait été suspendu le cadavre du chiot. Leurs pattes à peine posées sur la clôture, leurs yeux à facettes écarlates pivotèrent vers Gao Ding. Aucune brise ne caressait les visages, mais les feuilles étaient secouées, comme si elles obéissaient à des caprices de démons ordonnant aux insectes de bourdonner selon une chorégraphie bien précise.

Tout nous paraît irréel et pourtant bien concret, fantaisiste et cru, merveilleux et effrayant. La Guerre des Bulles m’a tout simplement plongée dans un paradoxe dont je ne suis pas encore tout à fait sortie.

Alors que le premier quart du roman m’avait laissée perplexe, perdue parmi les détails foisonnants (et un poil barbants) de la mise en place du « système de gestion du faubourg par les enfants » alors que les adultes finissent par tout accepter sans rien dire…la suite du programme a été une véritable plongée fantasmagorique.

Et loin de tout cela, un peu à la manière d’André Breton et de ses surréalistes, par le biais de la fiction, Kao Yi-Feng nous délivre une satire politique et sociale foisonnante, riche et extravagante. Il décrit la paresse des adultes et leur manque de réactivité, leur passivité et leur faculté d’adaptation. Grâce à l’arrivée au pouvoir des enfants, véritable putsch de candeur et de volonté, il nous entraîne dans les dérives du pouvoir : mort, vengeance, abus et nous fait prendre conscience de cette boucle sans fin, infinie, éternelle de notre société. La société même que ces enfants remettaient en cause. A travers son écriture fine et poétique, Kao Yi-Feng nous fait lire la cruauté, la terreur, l’envie, mais aussi les rêves et les espoirs de pouvoir raccorder ce petit village à l’eau, de pouvoir chasser les chiens sauvages, de pouvoir sauver tous les enfants.

La fin, énigmatique et ouverte nous fais entrevoir des dizaines de possibles différents, je suis intriguée de savoir ce que d’autres en ont pensé et je vais sans doute faire un petit tour sur la toile après avoir posté cette chronique.

En résumé

La Guerre des Bulles est une excellente surprise, pleine de mystères et de métaphores. Véritable plongée dans une région taïwanaise fantasmée, c’est aussi une excellente critique sociale et politique où se mêle l’étrange et le cruel et où personne n’est épargné.

 

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