Chaque chose en son temps de Lorris Murail

Troisième roman de la collection #ECHOS de Gulf Stream Editeur, Chaque chose en son temps est venu rejoindre ma bibliothèque, la parant ainsi d’un joli dégradé de bleu et de rose. J’adore ! Ce roman de Lorris Murail rend ainsi hommage au centenaire de la guerre 14-18 sous un angle très différent de ce que l’on peut lire d’ordinaire.

Mon résumé

En 1915, la guerre a commencé depuis un an. Les hommes sont mobilisés et les femmes se font infirmières ou munitionnettes. Reine quant à elle a été embauchée par un mystérieux serbe dans une maison isolée afin d’y faire les tâches de la vie quotidienne. Interdiction d’entrer dans le bureau et c’est à peine si le maître des lieux lui adresse un regard. Et pourtant… s’il y a bien un homme qu’elle aurait aimer avoir comme mari c’est bien lui. A cette époque des hommes intelligents et encore beaux ; ça ne courrait pas les rues.

En 2015, la guerre est terminée depuis un siècle et on joue à se la faire. Commandant contre Klingon, Blaise et son frère se font pulvériser à coup de canons à particules subatomiques, sous les yeux dédaigneux de leur frère Théo, fan de grunge et affolés de leurs parents. La guerre n’est pour eux qu’une leçon apprise il y a longtemps, que des images lointaines d’autres pays.

Jusqu’au jour où l’invention de Louis Nikolic, détruisit l’espace continuum et construisit un passage entre ces deux années.

Mon avis

Ma lecture a commencé très laborieusement. Passer de 1915 à 2015 n’est évidemment pas très aisé pour l’esprit et j’ai eu du mal à me plonger dans cette histoire. Le personnage de Reine, tournée vers son envie d’avoir un mari beau, intelligent et riche m’a un peu refroidie…avant de me rappeler qu’en 1915…c’est effectivement ce à quoi une jeune fille aspirait le plus dans la plupart des foyers. Le scénario ne me paraissait quant à lui pas très original : encore un voyage dans le temps, encore un espace temps modifié, encore des catastrophes, mince…aurions-nous donc déjà tout lu et tout inventé ? Lorris Murail me répond non à travers son récit.

Je n’aurais pas cru me faire avoir si facilement…et finalement il m’a eue comme une bleue ! En s’éloignant de ses aspirations de jeune épouse, Reine dévoile un caractère bien trempé ; généreuse, courageuse, la jeune fille est très attachante. Refusant de fuir devant des mains absentes ou de fermer la porte à des soldats revenus du front, elle n’hésite pas non plus à se salir les mains ou à se rendre dans les tranchées pour satisfaire une promesse. Ses visites régulières « au Château », mis à disposition par la Marquise afin d’en faire une infirmerie, sont autant de petites et de grandes leçons apprises çà et là.

Les passages les plus énigmatiques et les plus « froids » sont ceux avec les deux garçons Blaise et Quentin. Malgré tous mes efforts je n’ai pas vraiment réussi à m’attacher à eux, prisonniers de leur huit clos. Pourtant il y a une certaine forme de candeur et de chaleur qui se dégagent d’eux alors qu’ils tentent de sauver une personne près d’un siècle en arrière tout en se servant des leçons apprises de la culture populaire pour ne pas faire de bêtises dans l’espace temps (merci Star Trek). Certains passages étaient d’ailleurs assez humoristique même si l’on devine très vite la voix ironique de l’auteur en arrière plan

« — Elle était inquiète, alors, tu vois, je l’ai rassurée. Deux guerres, pour une fille, c’est quand même dur.
Quentin approuve d’un simple signe de tête. Le sujet ne méritait pas qu’il cesse de mastiquer.
— J’en ai trop dit, à cause du paradoxe spatio-temporel.
— T’as raison, crachouilla Quentin.
— Puis j’ai pas parlé des problèmes actuels. Elle a assez de soucis comme ça.
— Ouais.
— Le réchauffement climatique, par exemple, j’ai rien dit.
— Ouais.
— Le chômage non plus. Nous, on a le chômage. Eux, évidemment…
— Quoi ?
— Réfléchis un peu. Tous les mecs ils sont soldats. Ça leur fait un boulot.
— Ah ouais. Et les filles ?
— Elles sont infirmières, forcément. C’est le seul truc bien, quand y a la guerre. T’as pas de chômeurs. »

Servi par une écriture fluide et agréable (avec quelques passages vraiment merveilleux), Chaque chose en son temps est un formidable rappel de mémoire. Sous le prétexte du voyage temporel, Lorris Murail nous rappelle également que l’Europe, cette Europe qui aujourd’hui se disloque, se ternit, et se fait malmener a été obtenue au prix de millions de vies humaines à travers le monde. Et que tous ces gens de 14-18 qui n’aspiraient qu’à la paix auront dû attendre près d’un demi-siècle, pour l’obtenir et plus encore pour voir une Europe entièrement unifiée. D’autres en aspirant à la paix n’auront connu que la guerre.

« — J’espère que nous vivrons assez vieux, vous et moi, pour voir la suite. Il faudra être patient, attendre peut-être… quarante ans, mais il viendra, je vous le certifie, ce jour où les frontières s’effaceront et où toutes les nations d’Europe s’uniront. Je ne vous dis pas que tous les problèmes disparaîtront mais la paix régnera. Du nord au sud, de l’ouest à l’est, il n’y aura plus qu’un seul pays, une seule grande communauté où les hommes respecteront le même drapeau, chanteront le même hymne, partageront les mêmes richesses qu’ils paieront avec la même monnaie ! »

En résumé

Chaque chose en son temps, malgré quelques faiblesses, est une lecture agréable qui ne manque pas d’ambitions. Fabuleux rappel de mémoire mâtiné de science-fiction, le dernier roman de Lorris Murail est une petite leçon que l’on apprend avec plaisir. Un livre pour tous les adolescent mais aussi pour tous ceux qui ont oublié d’où nous venons.

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.

Créez un site Web ou un blog gratuitement sur WordPress.com.

Retour en haut ↑