Jolis jolis monstres de Julien Dufresne Lamy

Jolis jolis monstres m’a été envoyé dans le cadre d’une masse critique Babelio pour sa réédition en poche chez Harper Collins Poche. C’est un roman que j’avais énormément vu passer sur les comptes des copines sur instagram et ailleurs. Quand on en entend beaucoup parler…on en attend beaucoup. Mais c’est pas tant cela qui m’a retardée et qui m’a rendue cette lecture laborieuse, c’est avant tout mon travail. Je ne suis pas faite pour les lectures itnermittentes, j’ai besoin de m’imprégner d’un personnage, de l’histoire, de l’ambiance, plus de quinze pages par jour. Et c’est ce que j’ai réussi à faire (ENFIN) ce soir. Une lecture en demie teinte ? C’est ce que nous allons voir !

Résumé éditeur

Au début des années sida, James est l’une des plus belles drag-queens de New York. La légende des bals, la reine des cabarets, l’amie fidèle des club kids et des stars underground. Quand trente ans plus tard il devient le mentor de Victor, un jeune père de famille à l’humour corrosif, James comprend que le monde et les mentalités ont changé.

Sur trois décennies, Jolis jolis monstres aborde avec finesse et fantaisie la culture drag, le voguing et la scène ballroom dans un grand théâtre du genre et de l’identité. Au cœur d’une Amérique toujours plus fermée et idéologique, ce roman tendre mais bruyant est une ode à la beauté, à la fête et à la différence. Une prise de parole essentielle.

Mon avis

Le roman s’ouvre sur une rencontre : celle de James, afro-américain de soixante ans, ancienne drag queen et star de la nuit, et de Victor, ex-gangster de LA et père hétérosexuel qui décide de se lancer dans le milieu drag & stand up. Ils vont tous les deux, à travers leurs histoires qui s’entremêlent pour n’en former plus qu’une parallèle, découvrir et se redécouvrir.

Sans vous mentir je n’ai probablement jamais vu de drag queen de ma vie, j’ai déjà vu un homme porter des vêtements de femme, se maquiller comme une femme voire en exagérant certains traits, mais iel ne semblait pas avoir besoin de l’esbrouf, du spectacle, du show et je ne peux donc pas dire qu’il s’agissait d’une drag queen ou non. De toute façon les cases sont perméables, voire inexistantes de nos jours. Mais tout cela pour dire que je ne connais guère ce milieu, je ne peux que l’imaginer à travers ce que j’en ai vu à la télévision, lu dans des reportages écrits, des interviews. Et de ce point de vue, Jolis jolis monstres est une véritable mine d’or. En choisissant de tracer dans son roman trois décennies de « monstres », c’est aussi toute l’histoire de ce mouvement, cette façon de vivre et d’être, à travers ses plus grandes étoiles, ses licornes et ses drags stars, que Julien Dufresne-Lamy met en lumière. Depuis les salles vides, la galère, les drogues, le manque de thunes, cette vie de misère et de secrets, à celle de la lumière, des projecteurs, des émissions télévisées. Avec tout ce que ces décennies ont eu aussi de déboires, de galères, et d’étincelles, chacune à leur façon.

« Comment tu nommes cette sensation Victor ? Une chair de poule, une naissance. Une mise en orbite, peut-être. Loin, très loin, une trajectoire qui part du corps. […] c’est une infection. les images pernicieuses du stand-up de Bianca. Sa liberté, sa hargne, son visage. Voilà ta Maladie. Jour après jour, tu te rends compte de chaque symptôme, possédé sanglé, empanaché et pourtant, plus vivant que jamais. Comme placé sur un socle, au dessus de l’espère humaine. En te couchant, tu te demandes de quoi tu aurais l’air si tu osais faire comme elle. »

Une véritable bible donc…voire un peu trop parfois. Trop de terminologies, d’anglicismes qui caractérisaient aussi cette époque, leur danse, leur corps en mouvement, leur bal et leurs maisons. Trop de noms, qui sont pourtant des grands noms, mais qui se transforment bien souvent en énumération. Cet excès de précision m’a souvent brouillée, a rendu ma lecture confuse et laborieuse, d’autant plus que je ne lisais que par petit bout. Une encyclopédie de la culture drag queen. Une vie rocambolesque de faste et de spectacle, d’abnégation parfois mais aussi de transformation, d’acceptation. Une vie à laquelle je ne me suis pas attachée, trouvant parfois l’écriture et le personnage de Lady Prudence trop détachés, trop narrés et pas assez vivants. Du mal aussi, à trouver mes repères dans ces points de vue qui oscillent entre le « Je » et le « Tu » et qui viennent s’inverser sur la fin. Des problèmes donc, mais pas que.

Parce qu’au milieu de tous ces petits détails, il y avait aussi des choses touchantes, drôles, émouvantes. Leurs voix à commencer, qui, sans savoir pourquoi, à chaque fois que Julien Dufresne-Lamy écrivait une réplique, semblait résonner à l’intérieur de ma tête comme si je les entendais me parler, réussissant à retranscrire fidèlement les intonations, vocabulaires, gestuelles des drags queens tels que je me les représentais (du moins n’étais je pas totalement ignorante du sujet). Je ressentais l’enthousiasme des bals des maisons, la peur, l’angoisse, lors du SIDA, avec des mots forts, des gestes petits et gigantesques à la fois, des bravades et des drames. Le personnage de Victor aussi m’a touchée, dans ses débuts, ses hésitations, sa virilité mise à mal, lui, l’ancien gangster. Son choix aussi, de tout plaquer, d’abandonner un temps pour mieux revenir, pour vivre un peu plus fort, briller plus ardemment. La relation des deux personnages aussi m’a plu par son authenticité et sa complexité mais également celles qu’ils entretiennent avec tous ceux qui composent la trame, le maillage, les petits points de cette histoire des drags queens : ceux qui insultent, ceux qui paient, ceux qui draguent, ceux qui blessent, ceux qui tuent, ceux qui regardent, ceux qui observent, ceux qui s’en sortent et ceux qui meurent, ceux qui l’ont fait briller plus fort et ceux qui l’ont obscurci.

En résumé

Même si je n’ai pas tout aimé, même si l’écriture m’a manquée d’un quelque chose de plus simple, de plus punchy, même si ma lecture ne fut pas toujours facile, je peux sans aucun doute dire que Jolis jolis monstres est un roman extraordinaire, documenté et documentaire sur la vie des drag queens. Il m’a beaucoup appris et j’espère que cela aura permis, à ces femmes de la nuit qu’on voit si peu, de briller un peu plus dans le quotidien et l’imaginaire des lecteurs.

3 commentaires sur “Jolis jolis monstres de Julien Dufresne Lamy

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    1. A lire absolument pour découvrir ces « jolis monstres » 🙂 Malgré quelques longueurs et aspects qui m’ont dérangée c’est tout de même une chouette lecture, touchante par ses personnages et son époque.

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