Portrait : Nastasia Rugani

Je vous livre ici un portrait que j’avais réalisé pour le Magazine Bloggers’ mais qui avait finalement été refusé par la rédactrice en chef, il s’agit de celui de Nastasia Rugani, l’autrice du magnifique Milly Vodovic. C’est un portrait que j’ai voulu sensible.
J’ai pris la photo sur le site des éditions MéMo.

A l’occasion de la mention spéciale du prix Vendredi 2018, pour son roman, Milly Vodović, paru dans la nouvelle collection Grande Polynie des éditions MéMo, nous avons voulu revenir sur cette artiste plurielle, épatante et éclatante afin de vous en dessiner un portrait surréaliste.

Portrait

Nastasia Rugani c’est cette jeune femme, peau de porcelaine, cheveux noirs en bataille, et le regard clair, les lèvres en un sourire timide. C’est l’autrice de Milly Vodović, de Tous les héros s’appellent Phénix et de tant d’histoires, de souvenirs, de morceaux d’elle, de personnages ou d’ailleurs qui n’ont pas encore traverser le papier. Une enfance merveilleuse passée « à faire des bêtises dans la nature », le goût pour les coccinelles, le battement d’ailes des papillons et les pas dans la neige. Si on creuse un peu derrière le personnage de Milly il y a Nastasia. La petite fille qui a grandi dans une ville du nord-est de la France entre générosité et racisme, entre Algérie et Croatie, catholique et musulman n’est pas sans rappeler celle de Birdtown, une dizaine d’année après l’explosion des tours jumelles dans ce sud américain rude et tendre à la fois. Ambiguité. Différence. Tolérance.
Ce sont autant de mots qui correspondent à l’autrice et ses personnages.

Dans un entretien fleuve avec Chloé Mary, la nouvellement mancelle le dit clairement : « grandir est pour moi l’une des étapes les plus incompréhensibles de la vie. Et je me rends compte, même après être devenue adulte, que l’incompréhension reste totale. Au-delà du développement physique, je n’arrive pas à déterminer pourquoi quelqu’un, un jour, a choisi d’abandonner l’enfance. Ce monde de soucis, de factures, de choses qui n’ont aucune importance dans le cours de l’existence, ça me dépasse. Pour Milly, grandir est une abomination.»

Ces va et viens réguliers entre son personnage et l’autrice laissent entrevoir un monde de couleur et de noirceur où la mort, loin d’être une finalité, peut tout aussi bien être un renouveau, une renaissance. Dans Milly Vodović, pas de feel-gooding, ou de roman « chaise longue », mais plutôt une littérature jeunesse en dents de scie, en aspérités, en creux et bosses. En enfance ou en adolescence, ces deux périodes charnières qui ne sont que les plus vives et les plus douloureuses de notre existence. « Je revendique le droit aux mauvais jours, à la noirceur » dit-elle, échappant aux morsures de la bien-pensance, aux gouffres du bonheur factrice et à la non moins attrayante tête de licorne. Tous ces artifices ne sont ni pour Nastasia ni pour Milly, ce n’est que de la poudre aux yeux, un truc pour se voiler la face, un machin-chose pour faire oublier au monde à quel point il est compliqué de grandir, d’aimer, d’écrire, de sourire.
Il y a comme une mise en scène programmée de la mort du bonheur éternel dans Milly Vodović au profit des bonheurs simples, fugaces, éphémères. Et des douleurs humaines, profondes, sensibles.

Cette sensibilité, l’autrice nous enjoint à l’éprouver, non pas à travers des phrases sans queue ni tête (parfois même sans corps), mais plutôt dans le rouge des coccinelles, dans les mondes-fleurs, dans les arbres-cachettes. Dans la douleur de Milly. Dans la revendication de Douglas. Dans l’incompréhension de Swan. Mais aussi dans les corps, ceux qui s’usent, ceux qui ploient, ceux qui grandissent. Ceux qui restent entre-deux dans ce désir ardent de rester là, ici, maintenant, sans sexe, sans identité, d’être enfant, adolescent, animal, mamifère. Un désir ardent de n’être rien et tout à la fois.

Incisive, sombre, poétique, métaphorique, angoissante, magique, l’écriture de Nastasia ne plaira pas à tout le monde mais elle vient de là où tout se produit, du tréfond de l’âme, là où tout est plus opaque, mais aussi plus vif, plus dangereux. Il y a quelque chose de cette ambiance que l’on retrouve lorsqu’on lui parle au détour d’un salon et auquel la couverture de Jeanne Macaigne rend parfaitement hommage dans ses nuances rouges, jaunes, oranges, saisissantes sur ce fond noir et profond.

Après avoir exploré les thèmes de la famille, des mensonges, de la maltraitance, de la tolérance, de l’oubli, du pardon, de l’enfance, nous sommes impatients d’en découvrir davantage sur cette autrice hors du commun qui nous promet de grandes choses. Et si grandir l’effraie, espérons que ce ne sera pas le cas de son oeuvre afin qu’on la couronne encore et toujours plus de papier.

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